Un jour, dans des articles écrit en anglais sur la parentalité, j’ai découvert le terme « touched out ». Ce fut une révélation pour moi !
J’ai compris rapidement la définition : cela décrit une sensation de surcharge sensorielle. Elle est causée par les contacts physiques qu’on juge « trop » parce que répétitifs ou trop intenses. En anglais, c’est beaucoup utilisé dans le contexte de la parentalité où les parents peuvent ressentir cette sensation d’être « touched out » après avoir été constamment sollicités par les besoins tactiles de leurs enfants : câlins, portage, caresses, ou juste contacts trop fréquents.
Ça a été un soulagement de lire cette expression. Mettre des mots sur quelque chose que l’on ressent permet de se l’expliquer et de le légitimer. Cette sensation que j’avais parfois a un nom et je ne suis pas la seule à la rencontrer !

crédit photo : Dave Herholz
Nous n’avons pas tous et toutes les mêmes besoins et tolérance pour les contacts physiques
Je suis quelqu’un d’extrêmement tactile avec les gens que j’aime et mon amour des câlins est à niveau Bisounours. Faire du maternage proximal pour mes enfants me paraissait spontané et agréable.
C’est au bout du deuxième-enfant koala en moins de deux ans que j’ai réalisé que ça pouvait faire trop de contacts physiques. Après des jours à porter, à câliner et des nuits de cododo, parfois une main qui cherchait à m’approcher me faisait reculer.
Je découvrais la saturation tactile, j’étais « touched out ».
C’est un état passager, une conséquence d’avoir trop mis son corps à disposition.
On n’a pas toutes et tous la même tolérance, et puis ça dépend des jours…
Pour certaines personnes, le besoin de contact physique est bas et au contraire le besoin d’un espace à soi haut. D’autres ont une jauge plus importante. Il peut y avoir un effet goutte d’eau. Va jouer également l’empilement de frustrations diverses qui viennent toucher au besoin de liberté par exemple.
Bref, c’est normal, ça peut arriver.
Et il est important de se rappeler que cela ne signifie pas nécessairement qu’on n’aime pas le contact en général et qu’on ne souhaite pas de liens tactiles. Juste que pour un temps, on a besoin de se ressourcer, de se reposer des stimulations tactiles.
On peut désirer de l’espace physique à soi.
Mais qu’est-ce qu’on fait quand on est « touched out » ?
Cette sensation désagréable est un signal d’alarme. Derrière se cache des besoins fondamentaux challengés. Il est intéressant de creuser pour voir ce qui te manque : est-ce une histoire d’espace à soi ? Ou de temps pour soi ? Est-ce un besoin de liberté, d’autonomie ?
Suivant les réponses à ces questions, on peut essayer de trouver comment rééquilibrer les réponses à ses besoins pour calmer le signal d’alarme.
Même si, on est d’accord, ce n’est pas toujours facile d’avoir les possibilités avec de jeunes enfants.
Voici toute de même quelques pistes qui peuvent aider :
Piste 1 : Prendre une pause
Ok, ce n’est VRAIMENT pas le plus simple avec des jeunes enfants. Mais ça n’a pas besoin d’être des vacances sur une île déserte pendant une semaine (même si on aimerait), parfois, ce que j’appelle « les solution homéopathiques » peuvent faire une grande différence. Passer le relai à quelqu’un de confiance pour une heure ou même juste prendre 5/10 minutes à souffler aux toilettes aide !
Ma kraamzorg (j’habite aux Pays-Bas où une pro vient aider les parents à la maison la première semaine après l’accouchement) nous avait dit « à un moment, vous n’en pourrez plus de votre bébé et c’est ok. Ce qui ne l’est pas, c’est que ça se transforme en violence, si vous sentez que ça monte, posez-le dans son lit, il sera en sécurité, fermer la porte et aller rester à l’autre bout de l’appartement ; c’est la meilleure chose que vous pouvez faire pour la sécurité de cet enfant à ce moment-là ». Et sur le coup, je me rappelle avoir pensé « c’est hors de question que j’abandonne mon bébé hurleur dans son lit quand il a le plus besoin de moi »… Depuis, j’ai appris que écouter les signaux d’alarme et y répondent rapidement est la meilleure chose que je peux faire pour tout le monde.
Donc oui, prendre une pause peut être vitale. Et on n’est pas obligé d’attendre que les signaux d’alarme crient à tue-tête (c’est plus facile de réagir avant).
Piste 2 : le dire, l’expliquer
Dis-le, verbalise-le, explique-le à tes enfants, à ton, ta partenaire que tu es en saturation tactile. Il n’y a pas de honte à cela, c’est humain, c’est ok et c’est plus simple pour tout le monde que ce soit compris.
On peut voir avec le, la partenaire ce qu’il peut faire pour décharger un peu, permettre la pause. Mais c’est aussi important pour qu’il ou elle comprenne nos réactions : ce n’est pas contre-toi, je ne te fuis pas toi, je fuis le contact.
Et c’est pour cela que ça peut être intéressant de le verbaliser aux enfants également. Eux aussi, malgré tous nos efforts peuvent avoir l’impression qu’on les fuit, qu’on se crispe à leur contact et peuvent l’interpréter contre eux. On peut leur dire : « Je t’aime, je veux être là pour toi. Et j’ai besoin d’espace aussi, j’ai besoin d’être seule et tranquille de temps en temps… » Suivant leur âge, l’état émotionnel dans lequel ils sont, ils ne comprendront pas toujours et ne l’accepteront pas toujours. Mais on normalise l’état et on leur permet de comprendre que ce n’est pas contre eux.
C’est aussi une façon de leur apprendre de verbaliser ce qu’ils ressentent eux et leurs besoins.
Et ça me fait penser à cette scène de Bluey (un super dessin-animé que je vous recommande) où la mère au retour du père dit « j’ai besoin de 20 min sans personne qui m’approche » et sa fille finit par venir la voir pendant la pause et lui demande si elle a fait quelque chose de mal… Sa mère répond « non, juste parfois j’ai juste besoin de 20 min, que ce n’est pas toujours facile d’être mère. » et Bluey dit qu’elle ne comprend pas. Chilly (sa géniale maman) répond « un jour, tu comprendras ».
Il ne s’agit pas de faire peser sur nos enfants la responsabilité que nos besoins soient répondus. Seulement normaliser des émotions et des besoins pour qu’ils grandissent en comprenant mieux les réactions de chacun, chacune et aussi ainsi les leurs.
Piste 3 : poser des limites
Plus les enfants sont grands, plus ils peuvent patienter et comprendre. On peut aussi faire la différence entre les grands moments de détresse où l’enfant ne peut pas se réguler et les autres où il est possible d’avoir des alternatives ou des les faire attendre.
On peut dire « non » à un contact physique avec amour et gentillesse. Ça ne dit rien ni du lien, ni de nos compétences de parents.
Piste 4 : répondre aux besoins de connexion d’une manière non-tactile
Peut-être que les contacts physiques de ton ou tes enfants sont leur moyen le plus rapide de répondre à leur besoin de connexion mais que d’autres réponses pourraient leur permettre de remplir leur jauge de ce besoin sans vider la tienne sensorielle. Ça marche aussi pour le ou la partenaire.
Des idées : mettre de la musique et organiser une fête avec les enfants. Jouer à cacher-coucou. Faire une promenade et leur permettre de toucher, ramasser, te montrer des feuilles, des cailloux, des fleurs. N’importe quel jeu avec ton enfant où tu lui dis qu’il aura toute ton attention, c’est le moment très spécial rien qu’à vous deux. Pour le partenaire, on peut proposer un moment de discussion autour d’un verre de vin, une sortie ensemble…
Après, si les enfants sont immatures émotionnellement, les adultes doivent pouvoir comprendre que par moment, on n’a pas les ressources pour donner comme on voudrait, d’où l’importance de communiquer.
Et enfin attention, c’est pas quand on se noie qu’on apprend à nager ! Si on est bout du rouleau, il ne s’agit pas de s’ajouter encore de la charge et de la culpabilité de trouver d’autres voies. Ces propositions sont plutôt à considérer en préventif, quand on sent que ça risque d’arriver. Et prends-les seulement si elles te parlent et ne te coûtent pas trop.
Piste 4 : bienveillance avec toi-même
Être parent peut être épuisant, tant physiquement qu’émotionnellement. Et on peut être tellement sur-sollicité-e. C’est ok d’être « touched out », c’est juste un signal, ça ne dit rien de ta valeur.
Et non, tu n’es pas bizarre, ça arrive à beaucoup de parents partout dans le monde.
C’est en étant bienveillant avec soi-même que l’on peut trouver une harmonie entre les besoins des autres et les siens. Prendre soin de soi est un acte d’amour pour soi mais aussi pour ceux qu’on aime.
C’est parfois un sacré équilibre mais promis, à un moment, ce ne serait plus aussi difficile et épuisant. Une autre expression que j’aime dans le domaine de la parentalité anglophone, c’est « days are long but years are short », les journées sont longues mais les années sont courtes. Tout passe, ça n’enlève pas la difficulté de certains jours mais ça permet de la relativiser.
Y-a-t-il un terme pour « touched out » en français ?
Non, il n’y a de terme établi dans le langage courant en français pour parler de « touched out » (alors que dans le monde de la parentalité anglophone, c’est une expression répandue).
Cependant « saturation tactile » pourrait être une expression adéquate à populariser. Et si on se mettait à dire qu’on est saturé tactilement ou en saturation tactile ?
Tu m’aides à en faire une réalité nommable en français ?
Je crois très fort que nommer les choses les fait exister. À chaque fois que j’ai parle de « touched out » à des parents qui parlent de la lourdeur du contact physique parfois, je sens que ça les aide. C’est pourquoi j’aimerais vraiment populariser un terme français.
Et dis-moi, tu t’es déjà sentie « touched out », en saturation tactile ?