Ce n’est pas qu’une fausse couche

Aujourd’hui, je prends ma plume pour tenter de mettre des mots sur quelque chose dont on ne parle pas.

Je me sens intimidée par la tache, d’autant que je ne peux pas me réfugier dans mon histoire pour trouver les bons mots. Et pourtant, j’avais envie d’écrire sur cette peine-là. Parce que je trouve le silence autour des fausses couches est scandaleux et profondément douloureux pour les femmes, les hommes qui ont fait fasse à un espoir qui s’envole.

Parce que je veux être là dans ces moments.
J’accueille dans mon groupe prénatal des personnes enceintes dès qu’elles le souhaitent et je dis bien qu’on est légitime à être là dès le test de grossesse positif… Un espace pour parler de ses émotions alors que le secret ailleurs est de rigueur, c’est précieux. Alors oui, il y a le risque de quitter le groupe en cours de route suite à une grossesse arrêtée. Mais je ne veux pas que le silence et la solitude qui s’abattent à nouveau. Un article donc comme un petit geste pour dire que je suis là, à l’écoute….

Crédit photo (libre de droits) : Chuotanhls

Une fausse couche n’est jamais banale. Elle est toujours le début d’un deuil, différent suivant les personnes, plus ou moins lourd.

C’est un événement courant dans les chiffres mais derrière cela, il y a des mères, des pères qui avaient commencé à construire une relation, des projections, de l’amour pour une petite vie qui s’est envolée. Trop vite, en silence. Avant même d’avoir existé vraiment pour le reste du monde mais bien réel pour ses parents.

Le vide dans le cœur. Les mots glaciaux, le couperet d’un diagnostique, les « ça arrive ». Les cris qu’on ravale, les pleurs qu’on cache parce que c’était secret, parce que c’est anodin sur le papier ?

Je préfère le terme de grossesse arrêté à celui de fausse couche.

Tu as une grossesse qui s’est arrêtée, ce n’est pas faux, ce n’est pas rien

La vérité, c’est que tu avais sans doute commencé à imaginer sa vie, votre vie ensemble. La réalité, c’est que ce bébé, il avait une saison pour arriver, un moment choisi ou non que tu avais embrassé. Tu avais commencé le tissage des projections mais surtout de celui de l’amour, qui s’installe souvent sans faire de bruit. Ça t’étonne peut-être même que ça fasse si mal si tu ne l’as tant senti venir cet amour-là, doux et discret. Mais il est là et il fait mal quand il perd sa destination.

Ton chagrin est légitime. Ta colère, ta stupéfaction. Cette impression de vide. Ou celle de ne pas savoir ce que tu ressens. Il n’y a pas de règle, c’est ta propre histoire.

Tu peux vivre un parcours difficile et éprouvant. Une fois cette grossesse arrêtée ou même avant. Ressentir du soulagement est possible. Ça ne dit rien de ta valeur, c’est ok.

Et puis, il y a l’après. Une insouciance qui s’est envolée aussi ? La peur de ne tenir jamais un nouveau-né dans les bras ? Le découragement ? L’espoir ?

Un deuil, c’est un processus un peu semblable à la cicatrisation, c’est moins douloureux avec le temps, mais ça fait partie de ton histoire pour le restant de ta vie, c’est là, tu vis avec. Il y a de belles cicatrices presque invisibles et d’autres plus complexes. Tu es différent-e, tu as ton vécu, ton histoire, tes attentes, tes espoirs, il n’y a pas dans les émotions de paramètres à quantifier rationnellement à partir d’une situation.

Ce que tu ressens est important. Ce que tu ressens est légitime. Cela t’appartient…

Il faudrait…

Il faudrait que les équipes médicaux aient des mots doux. Il faudrait que tu sois entouré-e d’amour et de soutien. Il faudrait qu’on te serre dans les bras dès que tu en ressens le besoin, qu’on t’offre des fleurs, qu’on te dise qu’on ne comprend peut-être pas mais qu’on est là. Que l’on respecte tes émotions.

Il faudrait qu’il n’y ait plus ce silence obligatoire. Celui qui ne fait pas exister les grossesses avant un certain stable et celui de l’après, où on ne sait pas quoi dire, où on minimise, où on banalise.

« Comment tu te sens ? Tu souhaites en parler ? Je suis là. Dis-moi ce dont tu as besoin ou si tu me trouves indélicat-e »

Il faudrait… j’espère que tu as un peu de ça. Et j’espère que la petite goutte d’eau de mon article peut faire un peu prendre conscience de ces besoins-là.

Il a existé

J’avais envie de te dire, à toi qui as vécu cette épreuve-là : je pense à toi, à ta peine, et à cet enfant qui devait devenir et qui n’a fait que passer. Il a existé et il existe toujours là, au fond de ton cœur.

Et je t’envoie plein de douces pensées, à défaut de pouvoir te serrer dans mes bras…

5 commentaires

  1. Je pense que le plus important est de demander au 2 parents comment ils se sentent et comment ils vivent cet « événement ». A chaque fois que j’ai appelé ma sage femme pour prendre mon premier rendez vous de grossesse, elle répondait à mon annonce en me demandant « Est ce une bonne nouvelle pour toi ? ». C’est très prévenant pour toutes ces mamans qui appellent pour se faire avorter ou juste sont chamboulées par une nouvelle inattendue.

    Personnellement, j’ai vécu une fausse couche, J’en parle sans tabou car pour moi, ce n’était pas grand chose. Je savais que ca pouvait arriver et 2 semaines après le test de grossesse positif, avec mon mari nous n’avions pas encore investi cette parentalité. En plus j’notre couple avait plein de projets sympas que la grossesse aurait pu rendre plus compliqués. Alors même si nous nous étions réjouis pour cette grossesse, comme nous ne pensions pas encore à ce bébé, nous avons pu passer à autre chose quand la grossesse s’est arrêtée.
    D’ailleurs je remarque bien que je parle de la fausse couche, de l’arrêt de la grossesse mais jamais de la disparition ou de la mort de notre bébé.

    4 mois plus tard, quand je suis tombée enceinte à nouveau, sans que je ne puisse vraiment l’expliquer, le bébé s’est invité en même temps que la grossesse. Dès le test ma vie ne tournait plus qu’autour de ce petit bébé. Donc là, je pense qu’une fausse couche aurait été dévastatrice pour moi et mon mari !

    Je fais partie de ces mamans qui ont parlé de leur grossesse à leurs proches avant la fin des 3 premiers mois. Car j’étais contente de partager cette bonne nouvelle. Et que je voulais pouvoir être soutenue soit pendant ma grossesse soit pendant ma fausse couche.
    (Je n’ai rien dit à mes collègues ou vagues connaissances. Pas envie de leur fausse sollicitude.)

    On réagit tous différemment. Ce n’est pas toujours une fatalité. Il est important de libérer la parole pour les femmes et les hommes. De dire que ça peut être un deuil ou juste une petite étape de plus dans la parentalité.

    1. Claire Schepers says:

      C’est une remarque tout à fait juste. C’est aussi pour ça que je parlais de chacun-e sa propre histoire.
      Mais en effet mon texte est très orienté (il s’adressait un peu à quelqu’un de particulier mais je voulais le publier s’il pouvait parler à d’autres). Mais tu fais bien de rappeler qu’on peut aussi le vivre différemment… Et c’est ok, c’est légitime.
      La question « comment tu te sens ? » est pour moi la plus juste dans tous les cas, ça ouvre l’écoute active et ça évite de projeter ce qu’on pense être les émotions de la personne.

      1. Mon commentaire n’était pas une critique de ton article. Je sais que de nombreuses personnes vivent très mal leur fausse couche/la mort de leur bébé in utero. Et elles ont définitivement besoin de tout le soutient et l’amour qu’on peut leur apporter.
        Ton texte peut aider beaucoup de mamans et de papas !
        J’essaye d’aider des amis qui sont dans la situation d’une fausse couche tardive et je me sens tellement maladroite ! D’autant plus que là pour le coup, la maman essaie déjà de se projeter dans le future de parler du prochain enfant alors que le papa est dévasté par la perte de leur bébé et n’arrive pas à avancer.
        Pas facile quand dans un couple ils ne sont pas sur la même longueur d’onde !

  2. Bonjour Claire
    Je suis Alice du Havre amie de Carole, nous nous sommes rencontrées à l:occasion de son mariage. Elle m’a partagé ton article au regard du fait que je suis en train de vivre cette situation. J’ai fait un test de grossesse positif début septembre puis deux et trois pour être sure car on ne m’avais jamais dit que la ligne bleue du test de grossesse pouvait être presque invisible au début. Cette grossesse a été confirmée par une prise de sang et je l’ai vite investie. Je me reconnais dans ce que tu décris, dans la projection que j’avais fait de ce futur à 3. Je l’ai annoncé à ma mère et à mes amies, impossible pour moi de ne pas partager cette nouvelle et de faire croire que je refusais de trinquer au champagne pour ma crémaillère 😅. Tout allait bien je me sentais en pleine forme, la poitrine un peu lourde et des envies d’uriner très fréquentes mais vraiment en pleine forme. Et puis un soir je suis rentrée du travail tard, j’ai embrassé mon chéri et je suis aller aux toilettes et là des traces de sang a l’essuyage… Début de l’angoisse, que se passe t’il ? Allo google qu’est ce que c’est ? De nombreuses femmes peuvent avoir des saignements en début de grossesse bon… Mais déjà l’idée de la fausse couche s’installe. On va se coucher, je consulte un tas d’articles sur la question, je suis irritable et désagréable avec mon conjoint. Je lui présente mes excuses on se fait un câlin mais tout ça trotte dans ma tête. On s’endort tard et nous sommes réveillés 2h après par des appels nocturnes. Mon conjoint se lève et ne revient pas… Je le suit dans le salon, il est prostré sur lui même et éclate en sanglots comme cela ne lui arrive jamais. Sa sœur est décédée des suites d’un cancer de l’utérus… Sideration, nuit horrible j’en oublie mes saignements. Le lendemain au travail je suis dans un état second, je parvient à faire un entretien famille avec la direction puis je m’enferme dans mon bureau car j’ai de nouveau des saignements. J’appelle ma gyneco cabinet fermé. J’appelle le médecin de garde il me dit assez froidement qu’il faudrait aller passer une écho pour vérifier la viabilité du fœtus. Déjà j’ai compris mais je m’autorise à espérer malgré tout. Je pense à mon homme aussi j’ai tellement peur de rajouter de la peine à la peine. Je me rends au. urgences, je n’avais pas écouté les infos c’est la grève des sages femmes. Pas de bol… Je n’en veut à personne mais ces 5h d’attente m’ont paru interminables. Surtout lorsqu’enfin en position sur le fauteuil gyneco elle est appelée sur une césarienne d’urgence et que lorsqu’elle revient presque 1h plus tard l’echographe ne fonctionne pas et qu’il faut aller dans son cabinet à l’ autre bout de l’hôpital. Enfin je passe mon écho. Je suis à 7SA on devrait entendre le cœur. La gyneco me dit bonne nouvelle, ce n’est pas une grossesse extra utérine l’embryon est bien placé (ouf mais ensuite ?). Elle mesure l’embryon et me dit que je suis à 5SA mais c’est normal l’ovulation ce n’est pas une science exacte etc… (C’est 2 jours plus tard sur mon canapé que je réalise que c’est plutôt parce que l’embryon ne se développe plus mais bon…). En fait elle ne peut rien me dire de plus, nouvelle écho dans 10 jours voir si l’embryon a évolué… Elle dit c’est 50/50 Déjà je pleure dans son bureau face à cette incertitude. C’est d’ailleurs ce qui me provoque le plus d’angoisse dans la vie l’incertitude. Commence une longue attente et des saignements qui durent et s’intensifient dans le week-end. Je réalise que si c’est une fausse couche je ne sais pas comment ça va se passer. Vais je saigner beaucoup ? Vais je voir l’embryon ? Vais je avoir mal ? Vais je tâcher mon matelas tout neuf ? Et si ça n’arrive pas chez moi ? Je vais me tâcher je vais en mettre partout bref beaucoup de stress… Le lundi au boulot presque rien je reprends même un peu espoir après tout il s’agissait peut être de règles fantômes ! Le soir je suis confort sur mon canapé avec un plaid, je me lève pour aller dîner et la je sens que ça coule beaucoup, comme un robinet… Je vais aux toilettes c’est du sang, beaucoup… Mon chéri s’inquiete il veut aller aux urgences. J’appelle le médecin conseil il est formel direction les urgences. Alors je pleure je sais que c’est fini. On arrive je suis en crise de larmes à l’accueil, fauteuil roulant direction la maternité et toutes ces images de nouveau né et moi je sais que celui que j’attendais est parti. La sage femme est adorable mais nouveau stress elle me demande si j’ai bien fait l’injection de rhophylac. Bah non j’ai rendez vous demain je n’avais pas compris sur le coup quand la gyneco vu la semaine passée m’a dit « dès que possible » que cela voulait dire dans les 48h. Je comprends alors que si mon embryon était rhésus positif alors que je suis rhésus négatif j’ai potentiellement développé des agglutinines irrégulières qui pourraient causer du tord à un futur fœtus… Je demande quels sont les risques et dans l’énumération je retiens juste que cela augmente le risque de fausse couche… Pour ce soir je peux rentrer chez moi avec un kit de couches en guise de protection et une alèse spéciale pour ne pas salir mon matelas (obsession sous jacente de la semaine). Rdv demain 9h30 pour nouvelle écho. Je ne m’attendais à rien mais les larmes montent quand il me dit qu’il n’y a plus rien. Heureusement pas besoin de curetage j’ai déjà tout évacué ou presque car les jours suivants les pertes sont impressionnantes et écœurantes. Je ressort en larmes, je paye 51 euros, je remercie et je retourne bosser non sans avoir manger mes émotions ou plutôt un gros sablé Nutella avec Carole..
    Malgré les stats je me demande pourquoi moi ? Aurais je pu l’éviter ? Cela risque t’il de se reproduire ? Ai je développé des RAI qui s’attaqueront a mon futur fœtus ? J’ai peur de vivre ma prochaine grossesse dans l’angoisse et même que ce stress puisse être un facteur favorisant à nouveau une fausse couche. Et puis quelle est la place du deuil de cette projection d’enfant lorsque mon homme perd sa sœur la même semaine? Il a été adorable avec moi mais j’ai eu honte par moment de pleurer ce bébé alors qu’il était si courageux. Dans tout cela j’ai eu beaucoup de chance d’avoir le soutien de mon conjoint, ma mère et mes amies dont Carole qui a été aux petits soins avec moi et rien que pour cela je suis heureuse de ne pas avoir gardé sous le silence mon début de grossesse, silence qui m’aurait alors imposé de vivre seule cette épreuve.
    Je ne pensais pas écrire tout cela mais ça m’a fait du bien de revenir sur les événements même si du coup je vais être crevée demain 😅

    1. Claire Schepers says:

      Merci Alice de me faire confiance pour déposer ici tes mots <3

      Je voudrais te dire plusieurs choses : tu n'y es pour rien, tu n'as rien fait de mal, tu ne peux pas éviter une grossesse arrêtée, ça est, c'est tout. Personne ne peut te dire que ça ne se reproduira pas, et c'est difficile, très difficile. Par contre, le stress et l'angoisse ne peuvent pas provoquer un arrêt de la grossesse. Tu n'es pas responsable, c'est la vie qui décide. (Et c'est dur. Le fait que ça touche une femme sur 3 ne change rien à la difficulté que cela peut être)

      Enfin, toute émotion est légitime. Tu sais, les larmes, ce n'est pas une absence de courage. Mettre un couvercle sur notre cocotte minute, ça n'enlève pas ce que l'on ressent et ça peut faire que ça explose plus tard. Et puis dans les larmes, il y a de la cortisol (l'hormone du stress), pleurer, ça soulage.
      Vous vivez tous les deux un double deuil, à des niveaux différents, à votre façon. L'important, c'est d'avoir l'espace et les personnes en capacité d'accueillir et de porter l'espace pour ce qui a besoin d'être exprimé (et mes messages sont toujours ouverts pour ça, si besoin).

      Prends bien soin de toi.

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